Une autorisation à l’autorisation ?

Par William Trépanier

Alors qu’environ une action collective sur quatre au Québec est soutenue par le Fonds d’aide aux actions collectives, l’accès à cette aide financière peut être déterminant quant à la concrétisation d’un recours devant les tribunaux. En outre, la décision d’octroyer ou non une aide financière se doit de concilier deux enjeux parfois contradictoires : soit favoriser l’accessibilité à la justice et assurer le maintien de la viabilité financière du Fonds.

Dans l’affaire Durand, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) précise l’étendue des critères justifiant l’octroi d’une aide financière. On retrouve ces critères à l’article 23 de la Loi sur le Fonds d’aide aux actions collectives (LFAAC). Souhaitant notamment rechercher la responsabilité d’une centaine d’entreprises émetteurs de champs électromagnétiques, le demandeur sollicita une aide financière de 183 350 $. Sans qualifier son recours de frivole, le Fonds refusa la demande d’aide financière (tout comme le TAQ). Un pourvoi en contrôle judiciaire est, au moment de la publication de ce texte, entamé par le demandeur.

Au regard de sa loi constitutive, la décision du Fonds d’aide doit être fondée sur les critères suivants : la capacité financière du demandeur, l’apparence de droit ainsi que les probabilités d’exercice de l’action collective (art. 23 al. 2 LFAAC). Pour ce qui est du premier critère, il s’agit d’une simple analyse économique qui n’est pas réellement source de contestation dans la mesure où les demandeurs qui s’adressent au Fonds ont généralement besoin d’une aide financière. En ce qui concerne les autres critères, soit l’apparence de droit et les probabilités d’exercice de l’action collective, ils sont, au regard de la décision du TAQ, essentiellement assimilés à ceux que l’on retrouve à l’article 575 C.p.c. Ce sont les mêmes critères que la Cour supérieure applique pour chaque demande d’autorisation d’une action collective. C’est au regard de ces deux derniers critères que le Fonds d’aide refusa d’octroyer une aide financière dans l’affaire Durand. Advenant la situation où le statut de représentant a déjà été attribué par la Cour supérieure au requérant de l’aide financière, seule sa capacité financière est évaluée par le Fonds.

Alors que plusieurs dénoncent la lourdeur du processus d’autorisation inhérent aux actions collectives, il est possible de se questionner sur une telle façon de faire. Rappelons notamment l’obiter de la Juge Bich dans l’arrêt Charles c. Boiron Canada inc. : « L’action collective se veut un moyen de faciliter l'accès à la justice alors que, trop souvent, paradoxalement, le processus d'autorisation préalable, dans sa forme actuelle, entrave cet accès » (par. 73). À l’heure actuelle, un demandeur qui ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour entamer une action collective de façon indépendante devra subir deux processus d’autorisation distincts : un premier au Fonds d’aide aux actions collectives et un second, en Cour supérieure.

De plus, ces deux processus d’autorisation appliquent fondamentalement les mêmes critères, soit ceux que l’on retrouve à l’article 575 du C.p.c. Dans l’affaire Durand, la décision du Fonds d’aide (maintenue par le TAQ) se substitue in concreto à celle de la Cour supérieure. Considérant qu’il y a très peu de demandes d’aide financière refusées par le Fonds d’aide, il serait plus juste d’assouplir les critères de l’article 23 LFAAC à la simple nécessité de l’allocation. Entre les années 2010 et 2016, seules trois demandes d’aide financière ont été refusées alors que 171 dossiers furent ouverts. Cela permettrait également d’éviter qu’un acte administratif se substitue, dans les faits, à une décision de la Cour supérieure.

Une telle modification permettrait de simplifier l’accès à une aide financière sans pour autant menacer la viabilité financière du Fonds. De plus, l’octroi de l’aide financière en plusieurs versements évoluant au fil du dossier admet tout autant un contrôle effectif sur l’utilisation abusive des sommes allouées. Rappelons que même si le Fonds d’aide n’évaluait plus l’apparence de droit ainsi que les probabilités d’exercice de l’action collective, il peut naturellement apprécier la réelle nécessité de la somme de l’aide financière demandée quant à l’achèvement du processus d’autorisation.

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Ce contenu a été mis à jour le 28 mars 2017 à 15 h 24 min.

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